Du
10 au 13 décembre2015 à Latina (Italie), j’ai été invité à participer à une
série d’événements liés à la présentation du projet d’un documentaire ayant
pour titre «Da
Est a Ovest» et dont le sujet est l’ancien camp de réfugiés de Latina.
En effet, de 1957 à 1990, ce camp a accueilli des dizaines de milliers
de réfugiés qui, pour la plupart, arrivaient des pays communistes d’Europe.
L’existence de ce camp a été très longtemps occultée en Italie.
L’événement principal s’est tenu le vendredi 11 décembre à la faculté
d’Economie de l’Université Sapienza qui a été installée dans les murs mêmes de
l’ancien camp. Ce jour là, la faculté d’Economie fêtait ses 25 ans d’existence.
La télévision (RAI), la radio locale de Latina, ainsi que des
journalistes de La Repubblica (le grand quotidien italien de centre gauche) et
de la presse locale avaient été invités.
En présence d’environ 180 personnes plusieurs témoignages ont pu être
entendus: Ceux de citoyens de Latina ayant été en contact avec les réfugiés (employeurs,
fonctionnaires, anciens policiers) ainsi que ceux de 2 anciens
« locataires » du camp : celui d’Aurelia
Klimkiewicz,
canadienne, ex polonaise et le mien, ancien Bucarestois.
Des documents, des films, des photos ont été présentés et des extraits
de livres consacrés au camp de Latina ont été lus, dont quelques passages
traduits en italien, de mon livre « Une Vie, Un Dossier ».
J’ai répondu au mieux à toutes les questions des médias présents (au
moins 6 ou 7 interviews) dans un italien, hésitant au début, puis de plus en
plus assuré !
La comparaison avec la situation actuelle n’a pas manqué. Le
journaliste (de gauche) Emilio Druidi du « Il Messaggero » a dit que
tous les réfugiés passés par Latina ne représentaient que 0,1% des réfugiés
d’aujourd’hui dans le monde.
En mettant en parallèle l’ensemble les réfugiés économiques,
climatiques, politiques ainsi que de différentes périodes historiques, avec la
minorité passée à Latina, il essayait de minimiser l’histoire de ce camp.
La fuite du communisme était une action individuelle ; nous ne venions
pas par millions. De plus, la majorité d’entre nous venions d’Europe (dont tout
le monde a plein la bouche; l’Europe).
Les migrants actuels viennent d’autres continents.
Malgré le temps qui passe, l’histoire des gens fuyant le communisme
continue de déranger.
Voir sur l’événement:
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10206577234887367&set=pcb.10206577267288177&type=3)
Une autre conférence s’est déroulée le lendemain,
samedi 12 décembre, au lycée technique Ettore
Majorana de Latina en présence d’environ 200 élèves et professeurs.
Ces
manifestations ont eu un grand succès. Il s’est avéré que les habitants de
Latina ne connaissaient pas l’existence de ce camp et que c’est encore une
surprise aujourd’hui.
Dans les
années ’50, en Italie, le Parti Communiste représentait au niveau national environ
35% des votes. Dans la région de Lazio il en avait beaucoup plus. Il n’était certainement
pas souhaitable de parler de ces gens qui fuyaient le « paradis
communiste ». Selon la propagande communiste jusqu’en 1980, ces fuyards
étaient des délinquants, de dangereux gangsters.
Les
abords du camp devaient être évités par les jeunes filles particulièrement de
nuit. Les logements au voisinage du camp avaient perdu un tiers de leur valeur.
Dans
toutes mes prises de paroles, j’ai évoqué l’inscription actuelle du mur à l’entrée
du camp qui rend hommage aux réfugiés hongrois. Cette plaque aurait été installée
à l’occasion du jumelage de la ville de Latina avec la ville de Pécs (Hongrie).
Une
proposition a été faite à la mairie pour qu’elle en pose une nouvelle qui inclue
tous les autres réfugiés d’origine si diverses.
Je pense
que la mairie s’empressera de ne rien faire.
Le matin
du 11 décembre, la journaliste à l’origine du projet de documentaire, Emanuela
Gasbarroni, a organisé une rencontre (filmée) entre 3 personnalités communistes
(un ancien sénateur et deux apparatchiks locaux, âgés d’environ 75 – 78 ans) et
les anciens « locataires » Aurelia Klimkiewicz et moi.
Cela a
été très intéressant car si le communisme est mort, certains communistes sont
toujours vivants.
Ils ont
commencé par des discours convenus et des généralités sur l’horreur du
capitalisme et la nécessité de lutter contre, etc. etc.
A un
moment donné j’ai entendu que les communistes italiens ont abattu le fascisme
et le nazisme au cours de la 2ème guerre mondiale. Je suis intervenu
en leur disant que moi, pauvre idiot, je croyais que cela a été fait par les
Alliés et principalement en Italie, par l’armée américaine. Ils ont noyé le
poisson.
L’ancien
sénateur s’est déclaré communiste à vie et nous a dit qu’il n’avait jamais rien
fait de mal, qu’il avait essayé de défendre les ouvriers, etc.
Là, je
suis de nouveau intervenu, et bien soutenu par Aurelia Klimkiewicz, je lui ai dit
que je pensais volontiers qu’il était sincère, mais, qu’il avait été quand même
complice de tous les crimes du communisme. Le PCI avait participé à tous les
congrès des partis « frères », avait toujours envoyé des télégrammes
de félicitations à tous les leaders communistes à l’occasion de leur fêtes et
surtout qu’il s’était bouché les oreilles pendant 40 ans pour ne pas entendre
des multiples témoignages d’au delà du rideau de fer.
Il n’est
pas sûr que ce passage soit conservé au montage !
Mais, je
l’ai dit !
L’ambiance
était tendue mais est resté civilisée.
Nous nous
sommes quitté d’accord sur nos désaccords.
14
décembre 2015